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15 juillet 2007

COMBIEN D'ENSEIGNANTS FREINET Y-A-T-IL AU JAPON?

Les enseignants étrangers que je rencontre à la RIDEF ou dans d'autres occasions me demandent souvent : "Combien d'enseignants Freinet y a-t-il au Japon ?" Cette question me plonge dans l'embarras et je ne saurais comment leur répondre. Parce que ceux qui se réclament de la Pédagogie Freinet sont très peu nombreux dans notre pays. Mais, par contre, triés nom-breux sont ceux qui cherchent à exercer leur métier en respectant la liberté des enfants et refusant de leur imposer les doctes venant des adultes. Leur idéal est très proche de celui de la Pédagogie Freinet. Et ils se groupent très solidairement pour étudier ensemble et pour faire évoluer les situations qui les entourent. Personnellement, je pense que ce ne serait pas naturel de les "organiser" sous le nom de "Freinet" et qu'il ne faut pas le faire. Au début des années 1920, à peu près à la même époque où Célestin Freinet commençait à développer ses pratiques éducatives et son mouvement sous l'influence des mouvements pédagogiques nouveaux en Europe, au Japon aussi, les tentatives pour l’éducation libre commençaient à voir le jour. Comme le Japon est entré dans le cercle des pays modernes avec un retard assez important, l’éducation était teintée dès le début de la forte coloration nationaliste et militaire afin de rattraper les pays avancés dans les domaines de l’économie et de l’armée. Les enseignants et artistes qui sont hostiles à cette tendance ont hissé haut les drapeaux des réformes de l’éducation sous l'influence des mouvements de l’éducation nouvelle de l'Europe et d’Amérique et de la Révolution de la Russie. Les mouvements précurseurs avaient commencé dans les années 1910, déjà dans certaines écoles pilotes appartenant à des écoles normales ou dans des écoles privées, ces établissements ont constitué des tisons pour se développer en flamme de réforme plus tard. A l’école primaire, "le Village des Enfants", qui a été ouverte en 1924 à Tokyo et l’année d’après à Kobe, était une école libre, audacieuse, où absolument tous les éléments de la vie scolaire, comme les matières à étudier, les matériaux à utiliser, l'organisation des salles de classe, les horaires, étaient laissés à l'initiative des enfants. Des expériences similaires en étaient teintées dans les écoles primaires appartenant à des écoles normales du Nara et du Chiba ou d'autres départements. Mais sous le système impérial fascisant qui grandissait à toute vitesse, ces expériences ont été avortées sans dépasser le cadre des écoles primaires privées citadines ou celles appartenant à des écoles normales. Mais les résistances ont continué comme le Mouvement de Pédagogie Prolétaire, le Mouvement de la Science de l'Education. Notamment, le Mouvement des Textes de la Vie s'est enraciné profondément dans les milieux ruraux où sévissaient les misères terribles dans les années 20 et 30. Ce mouvement aidait les enfants, qui perdaient la volonté d’étudier à cause de la pauvreté et des contraintes des coutumes ancestrales, à avoir un regard sur la réalité de leur vie par l'acte d'écriture. A l’opposé de l’éducation officielle qui consistait uniquement à obliger de "lire" (le manuel agréé par le gouvernement), les membres de ce mouvement ont fait prendre conscience aux enfants d’être maître de leur propre vie par l'acte d’écrire". Ce qu'ils demandaient aux enfants étaient des expressions par "la langage de la vie réelle". Des formules stéréotypes et usées ou des mots abstraits mal digérés étaient proscrits. Les Œuvres des enfants, polycopiées et reliées, étaient utilisées comme base d’études collectives dans la classe. Elles étaient aussi envoyées aux classes d'autres membres du mouvement. Les textes libres, l'imprimerie dans la classe, la correspondance...les éléments qui constituaient la base de la Pédagogie Freinet étaient utilisés par les instituteurs japonais contemporains de Freinet sans le connaître. Et comme Freinet et ses camarades ont été opprimés par le fascisme, les instituteurs japonais du Mouvement des Textes de la Vie ont été tous et chassés de la salle de classe. En 1945, l’impérialisme japonais a perdu la guerre et la chance de reconstruction démocratique pour l’éducation japonaise est arrivée. Avec l'initiative de l'armée américaine qui occupait le Japon, des méthodes d'apprentissage par expériences du New Deal représentées par Dewey ont été introduites massivement. Mais les instituteurs japonais n'avaient pratiquement pas accumulé la force nécessaire pour digérer cette arrivée nouvelle et massive. D'autre part, comme le niveau d’"écrire-lire-calculer" était arrivé assez haut, tout en étant intoxiqué par l’impérialisme militaire, la critique visant la nouvelle éducation qui ferait baisser le niveau de capacité scolaire se soulevait largement. A cette époque-là, le schéma qui réglerait le monde d’après la deuxième guerre mondiale, "l'affrontement l’Amérique contre la Russie" s'est établi solidement et le processus de démocratisation du Japon s'est ralenti. Nous entrons dans l’ère réactionnaire. Dans le courant de la lutte contre cette crise, le Mouvement des Textes de la Vie a été reconsidéré comme un patrimoine propre à notre pays dans le domaine de la pédagogie et il l’est de nouveau devenu l'arme de démocratisation de éducation. En continuation de cette tendance, certains instituteurs ont commencé à faire des réflexions pour déterminer eux-mêmes de façon autonome le contenu éducatif de chaque matière. Jusque-là, les enseignants avaient été enfermés dans le questionnement : "Comment apprendre ?". Ils ont maintenant franchi le pas pour exploiter le domaine de "Quoi apprendre ?" afin de prendre l'initiative des contenus éducatifs sans les laisser aux fonctionnaires du Ministère de l'Education Nationale. Ce mouvement s'appelle "le Mouvement d'Education Non Officielle". Le Ministère de l'Education Nationale essaie de régenter la politique éducative en se basant sur les demandes venant des grands capitaux et de l'Etat. Le Syndicat des Enseignants Japonais et le Mouvement d'Education Non Officielle s'y opposent. Voici le schéma d'affrontement de base concernant éducation japonaise d’après-guerre. Cette lutte devient virulente aux années 60. Tout en subissant la pression du Ministère de l'Education Nationale qui avance vers la centralisation du pouvoir avec le développement rapide d’économie comme paysage de fond, le Mouvement d'Education Non Officielle accumulait le fruit de ses efforts de façon sûre et constante. Mais ce mouvement concentre ses efforts sur la réorganisation du contenu de chaque matière. C'est à cause de cette raison-là qu'ils ont tendance à se diviser et s'enfermer dans chaque matière. Par conséquent, l'accent est mis sur l’aspect "enseigner" alors qu'ils n'ont pas su mettre l’accent sur l'enfant, comme entité globale, qui peut "apprendre" par lui-même de sa propre initiative. Dans le tourbillon de la course aux concours, les enfants cantonnés dans le rôle d’enseignés en sens unique vivent dans une grande misère psychique: les phénomènes comme violences, suicides, refus d'aller à l’école, jaillissent comme conséquence de ce que les enfants ressentent. Les adultes doivent y entendre les messages que les enfants émettent sans paroles. Ils refusent d’être définis avec un coefficient de réussite aux concours ou jugés sur leur personnalité en fonction de leur obéissance. Ils réclament une éducation plus globale et qui touche au plus profond de leur individu. Le nombre des enseignants qui participent aux groupes d’études tenus par des organisations appartenant au Mouvement de l'Education Non Officielle et de ceux qui fréquentent des séminaires organisés par le Syndicat des Enseignants Japonais dépassent largement 10 000. Ils s'efforcent tous de trouver la voie pour une éducation démocratique où les enfants sont maîtres d’eux-mêmes. Sur ce point-là, sûrement, ils appartiennent au "courant Freinet" sans en être conscients. Le schéma officiel qui dit : «Ceux qui s'opposent à l’éducation traditionnelle sont Freinet." ne tient pas debout ici . C'est pourquoi nous ne devons pas nous réclamer de l'appartenance à la "mouvance Freinet" à la légère. A force de mettre l'accent sur l’acte d'enseigner, le Mouvement de l'Education Non Officielle avait fini par devenir complice malgré lui de la politique de "redressement" du Ministère de l'Education Nationale. Mais, rencontrant la résistance violente et tenace de la part des enfants, ce mouvement fait face à une évolution complète de vision et commence à bouger petit à petit vers la conception d’une éducation qui se base sur "l'apprentissage autonome". Le désir de connaître le Mouvement de la Pédagogie Freinet qui s’étend sur le monde commence à devenir de plus en plus pressant. Ce désir va sûrement s’accélérer dans le mouvement pour la préparation de la RIDEF Japon 1998. Je pense que notre problème en tant qu'enseignants japonais est de comment unifier l'accumulation des fruits du Mouvement de l'Education Non Officielle et les résultats de la Pédagogie Freinet. J’espère que vous avez compris comme il est difficile pour moi de répondre à la question «Combien d’éducateurs Freinet y a-t-il au Japon?"

Murata Eiichi

source:http://www.freinet.org/icem/inter/n18.htm

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